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Trois clefs de succès d’une négociation d’un marché public

FÉVRIER 2018

L’ordonnance nº 2015-899 du 23 juillet 2015 et le décret nº 2016-360 du 25 mars 2016 donnent de nouveaux outils pour une meilleure performance des marchés publics.

Alors que les précédents textes n’autorisaient la négociation que dans le cadre de procédures adaptées ou de procédures « dérogatoires » (exemple : procédure négociée sans mise en concurrence préalable), les nouveaux textes permettent l’usage de la négociation, sous conditions, dans le cadre de procédures formalisées.

Si les bénéfices attachés à la négociation sont compris de tous, la mise en œuvre de celle-ci peut poser questions, notamment quant au respect des principes fondamentaux qui président à la commande publique (liberté d’accès, égalité de traitement, transparence des procédures).
   

Quelles peuvent être trois clefs de succès d’une négociation d’un marché public ?

 1)    Une bonne tactique de négociation

Tout d’abord, la négociation est un outil complémentaire au Dossier de Consultation des Entreprises (Cahier des Charges, Contrat, Annexe financière, Règlement de Consultation) pour servir la stratégie d’achat qui a été définie. En d’autres termes, ce sont les réponses des soumissionnaires aux critères et sous-critères de valorisation des offres qui seront négociées.

Ainsi préparer une négociation c’est identifier, pour chaque soumissionnaire, les éléments financiers et techniques qu’il devra optimiser pour améliorer la notation de son offre et tendre vers une réponse optimale.

Si l’analyse financière doit permettre d’identifier les prix étonnamment « hauts » et ceux potentiellement « anormalement bas », elle doit permettre également d’identifier le prix du marché, sa structure (si DPGF) et les inducteurs qui le feront varier à la hausse ou à la baisse. Il y a, en effet, souvent une interdépendance entre le prix et les modalités techniques d’exécution du marché.

La communication d’informations autorisant le fournisseur à améliorer son prix est nécessaire. Une simple phrase « Merci d’optimiser votre offre financière » ne donne aucune « intelligence » à la négociation. L’acheteur ne se donne pas les moyens d’obtenir le meilleur du soumissionnaire et celui-ci est frustré de ne pas savoir la nature des arbitrages financiers et techniques qu’il doit réaliser pour emporter le marché. S’il n’est évidemment pas possible de communiquer le prix de la meilleure offre reçue et d’inviter le soumissionnaire à s’aligner dessus (obligation de respect du secret commercial), il n’est pas interdit de donner un ordre de grandeur (fourchette large exprimée en pourcentages) de l’effort qu’il devrait effectuer pour ne pas obérer ses capacités de victoire.

La négociation d’un marché public ne doit pas se limiter au seul critère « prix » et verser vers du marchandage. Il est ainsi vivement recommandé de négocier les offres techniques. La performance des critères financiers est d’ailleurs souvent inversement proportionnelle à celle des critères techniques. Il n’est donc pas incongru d’inviter un soumissionnaire à revoir à la baisse son offre technique pour dégager des marges de manœuvre sur son offre financière.

Bien évidemment, les offres techniques reçues auront des points forts ou faibles différents. Adapter la tactique de négociation à chacune des offres, ne vient pas en contradiction avec la nécessaire égalité de traitement des candidats (1), qui réside ici dans l’application de la même méthode sur chaque offre, soit détecter l’ensemble des points faibles et les négocier.

Par ailleurs, il n’est pas interdit, pour chaque point technique négocié, de préciser le périmètre de valorisation des offres, soit, les limites basse et haute de valorisation de la performance additionnelle proposée par les soumissionnaires.

Si la limite basse touche le périmètre de recevabilité (i.e. la satisfaction du besoin a minima) et est donc aisée à rappeler, la limite haute, elle, correspond à la surperformance que le donneur d’ordres est disposé à valoriser (et par conséquent à payer). En effet, sauf à conclure que le besoin n’a pas été clairement défini, il doit y avoir une limite à la valorisation de la « surperformance » (2).

L’acheteur sera évidemment attentif au respect de la confidentialité des offres (méthodes, techniques, procédés innovants ou originaux) et aux conséquences de ses communications sur le jeu concurrentiel (3).

 

2)    Une bonne logistique de négociation

Une négociation de visu aura toujours une portée supérieure à une négociation par voie écrite ou téléphonique. Il est cependant opportun de définir la modalité de négociation la plus adaptée aux enjeux, ainsi qu’au contexte (exemple : diversité géographique des soumissionnaires, nombre de candidats invités à négocier, etc.)

La date de la négociation doit être communiquée à l’avance de telle sorte que les soumissionnaires invités puissent s’organiser. Il est illusoire de penser que les fournisseurs réservent leurs agendas à l’aune de la seule information communiquée dans le RC. La confirmation donnée aux soumissionnaires invités à négocier doit être faite avec un préavis suffisant pour que ceux-ci puissent libérer leurs agendas. Si l’acheteur demande à recevoir l’équipe amenée à réaliser la mission, cela doit être justifié, tant le coût pour l’entreprise peut être élevé.

En outre, les négociations peuvent être tenues sur plusieurs jours. Pour préserver l’égalité de traitement des soumissionnaires, les délais de préparation des négociations et de remise des nouvelles offres devront être similaires, d’une entreprise à l’autre.

Un ordre du jour, précisant les points sur lesquels l’acheteur souhaite négocier, sera transmis à chaque soumissionnaire. Le fournisseur pourra ainsi préparer la réunion de négociation (attention : ne pas donner d’ordre du jour à un fournisseur, en pensant que cela permettra de bénéficier d’un effet « surprise », est une tactique hasardeuse).

Cet ordre du jour pourra préciser également, les échéances futures (transmission du CR suite à la négociation, date prévisionnelle de remise de la nouvelle offre, date prévisionnelle de notification du marché…).

La durée provisionnée pour la réunion de négociation doit être raisonnable (idéalement, au moins 90 minutes) et adaptée à la complexité du dossier ainsi qu’à la phase de négociation. Elle est évidemment la même pour tous les soumissionnaires invités à négocier.

Enfin, les participants, côté donneur d’ordres, doivent être les mêmes pour assurer une égalité de traitement des soumissionnaires. Un « décideur » ne pouvant évidemment pas ne rencontrer que certaines entreprises et pas d’autres.

 

3)    Une bonne conduite de négociation

Une bonne conduite de la négociation passe par une définition claire des rôles :

-       L’acheteur est celui qui orchestre la négociation. Il veille au respect de l’ordre du jour et est le « gardien du temps »,

-       Le prescripteur offre un appui à l’acheteur sur tous les aspects techniques.

L’acheteur formule ses attentes et s’assure qu’elles sont bien comprises par le fournisseur. S’il ne perd pas de vue ses objectifs, il a pour souci de construire, avec le fournisseur, une solution qui réponde aussi aux attentes de ce dernier.

Les points sont abordés de façon linéaire et le temps qui est accordé à chacun d’entre eux doit être cohérent avec l’enjeu qu’il représente.

Les « acquis » sont consolidés régulièrement et les points « difficiles » sont soulignés.

A la fin de la réunion, l’acheteur fait un bilan des points pour lesquels une voie de progrès a été identifiée et des points qui continuent de pénaliser l’offre. Le compte-rendu de réunion s’appuiera sur cette synthèse.

Une négociation, c’est donc une promesse de performance Achats et de maîtrise des risques (en particulier ceux liés à l’exécution du marché). C’est aussi la possibilité donnée aux soumissionnaires (notamment les PME) de bien défendre leurs offres, et de faire tomber quelques défiances tant vis-à-vis de l’entreprise que des éventuelles solutions techniques nouvelles qu’elle apporte (4).

Les enjeux attachés à la professionnalisation et à la généralisation de cette pratique sont considérables.

A lire également : « Faut-il négocier les modalités de négociation ? »

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(1) TA Versailles, 30 juin 2016, n° 1303342

(2) En d’autres termes, il est contraire à l’esprit des règles relatives à la commande publique, et notamment à l’objectif de bonne utilisation des deniers publics, de valoriser une "surperformance" outre mesure. Au delà d'une certaine limite, cette "surperformance" devient un luxe inutile, si celle-ci a une incidence sur le prix.

(3) E, 14 déc. 2009, Société Lyonnaise des eaux France n° 328157 et n° 328158

(4) En d’autres termes, la négociation est certainement l’outil le plus efficace pour faire tomber les rentes d’image ou de situation.

 

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