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Projet de refonte de la directive 2004/18: un nouveau socle juridique au service de l'achat

JANVIER 2012

Récemment publié, le projet de refonte de la directive 2004/18 sur la passation des marchés publics en date du 20/12/2011 offre de nouvelles perspectives pour les acheteurs publics.

Les objectifs de ce projet, rappelés en son préambule, sont complémentaires et portent une réelle ambition :

  • Accroître l’efficacité de la dépense, de manière à ce que les procédures de passation de marché produisent le meilleur résultat possible en termes de rapport coût-avantages. Cela suppose notamment de simplifier et d’assouplir les règles en vigueur sur les marchés publics. Des procédures rationalisées et plus efficaces seront profitables à l’ensemble des opérateurs économiques et faciliteront la participation des PME et des soumissionnaires transnationaux;
  •  Permettre aux acheteurs de mieux utiliser l’instrument des marchés publics au soutien d’objectifs sociétaux communs, par exemple protéger l’environnement, veiller à une meilleure utilisation des ressources et à une plus grande efficacité énergétique, lutter contre le changement climatique, promouvoir l’innovation, l’emploi et l’inclusion sociale et assurer les meilleures conditions possibles pour l’offre de services sociaux de grande qualité. »

Riche en nouveauté, ce projet de directive annonce la définition d’un nouveau socle juridique au service de l’Achat public ainsi que la mise à disposition, des acheteurs publics, de nouveaux outils.

Consécration d’un nouveau cadre juridique au service de l’achat

Si les acheteurs publics sont traditionnellement peu enclins à communiquer avec les fournisseurs par crainte de rupture d’égalité des candidats et du délit de favoritisme, le projet de directive institutionnalise désormais la pratique du « sourcing », action couramment pratiquée dans le secteur privé préalablement à la définition d’une stratégie d’Achats.

L’article 39, intitulé « consultations préalables du marché », prévoit ainsi dorénavant qu’ «avant d'entamer une procédure de passation de marché, les pouvoirs adjudicateurs peuvent réaliser des consultations afin d'évaluer la structure, l'aptitude et la capacité du marché et d'informer les opérateurs économiques de leurs projets et de leurs exigences. À cette fin, les pouvoirs adjudicateurs peuvent demander ou accepter l'avis de structures d'appui administratif, de tiers ou d'acteurs du marché, à condition que ces avis n'aient pas pour effet d'empêcher la concurrence ou de créer une infraction aux principes de non-discrimination et de transparence  ».

Cette nouvelle disposition devrait ainsi permettre aux acheteurs publics de disposer d’une base juridique solide pour solliciter les fournisseurs en amont afin de définir un besoin plus en phase avec le marché (évitant ainsi les surcoûts), de susciter une meilleure concurrence et d’éviter les infructueux. Le fait que cette disposition soit formalisée devrait fortement contribuer à limiter les craintes de l’acheteur public quant à cette pratique déjà développée par certaines collectivités.

Le projet de directive officialise également la possibilité d’écarter une offre d’un candidat ayant commis une faute grave sur un marché précédent. Ainsi, l’article 55 du projet de directive dispose que « le pouvoir adjudicateur peut exclure tout opérateur économique de la participation à un marché public si l'une des conditions suivantes est remplie : […](c) le pouvoir adjudicateur peut démontrer par tout moyen que l'opérateur économique a commis une autre faute grave en matière professionnelle; (d) l'opérateur économique a omis de satisfaire, de manière grave ou persistante, aux obligations de fond qui lui incombaient dans le cadre de l'exécution d'un ou de plusieurs marchés antérieurs de même nature conclus avec le même pouvoir adjudicateur

L’article encadre néanmoins le cas prévu au point d) en disposant que « les pouvoirs adjudicateurs prévoient une méthode d'évaluation de l'exécution du marché qui se fonde sur des critères objectifs et mesurables et est appliquée d'une manière systématique, cohérente et transparente. Toute évaluation des performances est communiquée à l'adjudicataire concerné, qui a la faculté de s'y opposer et d'obtenir une protection juridictionnelle ».

L’existence de cette possibilité devrait favoriser la généralisation de l’évaluation des fournisseurs et des prestations réalisées, et incidemment le développement de l’usage d’outils (notamment informatiques) permettant une évaluation objective de ceux-ci.

Au-delà de la gestion de la relation fournisseur, le projet de directive prévoit également de nouvelles possibilités d’appréciation des offres (appréciation possible sur plusieurs lots et non plus obligatoirement lot par lot ; indication d’une méthode utilisable de traitement des offres anormalement basses, à savoir les offres inférieures de 50% au montant moyen des offres et de 20% au montant de la deuxième offre la plus basse sous réserve que cinq offres aient été soumises) et des candidatures (possibilité d’éliminer les candidats dont le chiffre d’affaires n’atteint pas trois fois le montant du marché).

La séparation stricte entre phase de candidature et offre devrait être assouplie, comme les modalités applicables aux services sous centraux (collectivités), ceux-ci pouvant désormais utiliser l’avis de pré-information comme moyen de mise en concurrence en procédure restreinte et fixer ainsi d’un commun accord avec les participants le délai de remise des offres.

Toutes ces souplesses restent encadrées par la directive qui développe, par exemple, la notion de conflit d’intérêt ainsi que ses obligations associées ou la création par les états membres d’un organe indépendant de contrôle en matière de marchés publics.

Au titre des nouveautés « contraignantes », il semble important de citer l’obligation de principe d’allotissement, jusqu’à présent absente des directives et de l’ordonnance 2005-649 en droit français (principe en revanche présent dans le code des marchés publics).

Consécration de nouveaux outils au service de l’achat

Au-delà d’un cadre juridique, le projet de directive offre de nouveaux outils mobilisables pour des achats plus efficients.

Typiquement, la directive prévoit deux nouvelles procédures. La procédure concurrentielle avec négociation et le partenariat d’innovation. Si la procédure concurrentielle avec négociation permet la négociation au-delà des seuils de mise en concurrence pour répondre aux attentes de nombreux acheteurs publics, le projet de directive en a fortement encadré les possibilités de recours. En l’état, le projet de directive prévoit la possibilité de recourir à cette procédure dans les cas suivants :

« (a) en ce qui concerne les travaux, lorsque le marché de travaux a pour objet conjointement la conception et l'exécution de travaux au sens de l'article 2, point 8), ou lorsque des négociations sont nécessaires pour établir les modalités juridiques ou financières du projet;

(b) dans le cas des marchés publics de travaux, pour les travaux qui sont réalisés uniquement à des fins de recherche ou d'innovation, d'expérimentation ou de mise au point et non dans le but d'assurer une rentabilité ou le recouvrement des coûts de recherche et de développement;

(c) en ce qui concerne les services ou les fournitures, lorsque les spécifications techniques ne peuvent être définies avec une précision suffisante en se référant à une norme, un agrément technique européen, une spécification technique commune ou une référence technique au sens de l'annexe VIII, points 2 à 5;

 (d) lorsque des offres irrégulières ou inacceptables au sens de l'article 30, paragraphe 2, point a), sont présentées en réponse à une procédure ouverte ou restreinte;

(e) si, du fait de circonstances particulières qui se rapportent à la nature ou la complexité des travaux, des fournitures ou des services ou aux risques qui s'y rattachent, le marché ne peut être attribué sans négociations préalables. »

Le faible recours au dialogue compétitif en France peut être expliqué par un cadre de conditions relativement similaires. On peut donc anticiper un recours relativement faible à cette procédure, la tendance restant aujourd’hui à ne pas utiliser les procédures nécessitant une justification juridique.

Le partenariat d’innovation visant à la création d’un produit innovant est également une procédure intéressante, rapprochant les pratiques du secteur public et du secteur privé. Néanmoins, la connaissance des problématiques de terrain des acheteurs publics français indique que cette procédure sera utilisée par les organisations achats importantes (UGAP, Ville de Paris, RESAH etc..) plutôt que les petits services achats, loin de disposer les ressources humaines et matérielles propices à ce type de procédure.

Dans le prolongement de l’ancienne directive, le projet de directive généralise l’usage du catalogue électronique. Il serait précisé que les pouvoirs adjudicateurs « peuvent  exiger que les offres soient présentées sous la forme d’un catalogue électronique ». Cette faculté devrait permettre un gain de temps important, coté administration et entreprises, et la génération d’usages aujourd’hui très répandus dans le secteur privé.

Enfin, côté entreprises, le projet de directive prévoit la naissance d’un passeport européen pour les marchés publics comprenant les éléments de candidatures classiques et pouvant être accepté par tous les pouvoirs adjudicateurs. Combiné avec le fait que les pouvoirs adjudicateurs ne devraient plus demander l’ensemble des pièces administratives qu’au candidat attributaire, ce nouvel outil devrait faciliter la réponse des entreprises.

Conclusion

Si simplification de la réglementation ne signifie pas nécessairement allègement des textes (un projet de directive de 252 pages contre 127 auparavant), le projet de directive offre un nouveau cadre juridique et de nouveaux outils qui participent clairement d’une volonté de professionnalisation des pratiques Achats (gestion de la relation fournisseur, développement de stratégies Achats). Il reste regrettable que certaines dispositions, comme le recours à la négociation au-delà des seuils ,restent tant  encadrées, emportant ainsi le risque de rester lettre morte.

Liens utiles :

Formation « Organiser la fonction Achats dans un marché public»
Formation « La négociation dans les marchés publics »
Formation « Achats publics - Achats privés : Bonnes pratiques transposables »

 

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