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Dématérialisation des procédures : la signature électronique, un nouveau risque de se priver d’offres compétitives ?

NOVEMBRE 2014

Le Conseil d’Etat a récemment précisé l’étendue des obligations pesant sur les acheteurs dans le cadre d’une procédure dématérialisée[1]. L’acheteur n’est pas tenu de mettre en place un dispositif spécifique d'alerte des candidats sur l'absence de signature électronique (quand bien même il s’agirait de l’acte d’engagement), sauf s’il mentionne l’existence de celui-ci expressément dans les documents de consultation.

En l’espèce, un candidat a vu son offre rejetée comme irrégulière, dans le cadre d’une procédure dématérialisée, au motif que l’acte d’engagement ne comportait pas de signature électronique. Le juge des référés a annulé la décision du pouvoir adjudicateur, estimant que l’absence de signature électronique ne pouvait à elle seule justifier le rejet de l’offre.

Le Conseil d’Etat a, par la suite, annulé l’ordonnance du juge des référés au motif  que le candidat ne peut pas soutenir que le pouvoir adjudicateur aurait dû prévoir un dispositif d’alerte spécifique alors même qu’il n’en a aucune obligation[2]. La responsabilité du dépôt de l’offre repose ainsi sur le candidat.
L’arrêt rendu le 7 novembre 2014 ne modifie pas les conséquences du défaut de signature de l’acte d’engagement[3] : l’exigence d’une signature est préservée, que l’engagement soit matérialisé ou dématérialisé. Quel sera l’impact de cette jurisprudence sur le développement de la dématérialisation dans la commande publique ? Si la dématérialisation constitue une remarquable avancée de la commande publique, certaines barrières techniques et juridiques l’empêchent d’atteindre son but : simplifier l’accès des entreprises aux opportunités publiques d’affaires.

Quatre pistes d’amélioration pourraient être poursuivies :

  • Centraliser l’ensemble des procédures dématérialisées sur une unique plateforme nationale.
  • Mettre en place une présomption d’engagement où seul le candidat, auquel il est envisagé d’attribuer le   marché, aurait à signer les documents.
  • Réduire le nombre de pièces dans les marchés publics
  • Faciliter l’utilisation des signatures électroniques.

1. CENTRALISER L’ENSEMBLE DES PROCEDURES DEMATERIALISEES

Certaines plateformes dématérialisées avertissent d’ores et déjà l’utilisateur lorsque l’un de ses documents n’est pas électroniquement signé. Le problème n’est pas tant la question de la pertinence fonctionnelle de telle ou telle plateforme que la multiplication de celles-ci.

 La mise en œuvre d’une unique plateforme, à l’instar de ce qu’a décidé de faire le Royaume Uni, offrirait bien des avantages :

  • Disposer des meilleurs standards technologiques et fonctionnels
  • Réduire les coûts de fonctionnement ;
  • Faciliter l’accès des PME à la commande publique (publicité centralisée) ;

2. METTRE EN PLACE UNE PRESOMPTION D’ENGAGEMENT DU CANDIDAT

Le défaut de signature entraîne l’irrégularité de l’offre. Il s’agit, encore, de se couper d’offres potentiellement compétitives pour de simples raisons administratives. Ne devrait-on pas mettre en place « présomption d’engagement » où le candidat remettant son offre, n’aurait besoin d’aucune signature ? Seul l’attributaire devrait signer les documents pour « graver dans le marbre » son engagement, à l’image des évolutions récentes en matière de production des attestations prouvant que le candidat satisfait à ses obligations fiscales et sociales[4].

3. REDUIRE LE NOMBRE DE PIECES DANS LES MARCHES PUBLICS

Dans le cadre d’une procédure dématérialisée le candidat signe généralement chacune des pièces de son offre, comme exigée par le juge administratif[5]. La réduction du nombre pièces dans les marchés publics (CCAG, CCAP, CCTP, AE…), protégerait d’avantage les entreprises d’un défaut de signature.
La diversité des pièces de marchés ne garantit en rien la sécurité juridique des contrats et leur désignation s’éloigne du langage courant des affaires. Une piste d’évolution serait de simplifier le dossier de consultation et de limiter le nombre de pièces attendues des soumissionnaires [6].
Les procédures publiques de passation se rapprochent de plus en plus de celles utilisées par le secteur privé. Au fur et à mesure que les acheteurs publics se professionnalisent, il faut repenser les moyens de contractualisation pour leur donner davantage de souplesse.

Cet effort permettra :

  • Aux acheteurs publics de faire des actes économiques plus performants ;
  •  Aux entreprises de concentrer leur énergie sur la conception de leur offre (et non sur les lourdeurs administratives de la passation).

4. FACILITER L’UTILISATION DES SIGNATURES ELECTRONIQUES

La dématérialisation  des procédures de passation a permis de nombreuses améliorations : réduction des coûts, sécurisation du dépôt des candidatures et offres, amélioration de la transparence, etc. Mais sa mise en œuvre peut aboutir à ajouter des barrières techniques telle que l’obligation de signer électroniquement les documents.

Rappelons que la signature à deux fonctions :

  •     Formaliser l’accord du signataire ;
  •     Certifier l’intégrité du document transmis.

La formalisation de l’accord du candidat pourrait n’être demandée qu’à l’attributaire pressenti (cf. 2). Reste à certifier l’intégrité des documents en repensant  l’ensemble de la chaîne d’obtention et d’apposition d’une signature électronique.
De nos jours l’obtention d’une signature électronique est particulièrement longue et coûteuse, et son utilisation demande une certaine maîtrise de l’outil informatique. Par ailleurs, les acheteurs publics ont encore fréquemment recours à la « re-matérialisation » du contrat pour apposer une signature « physique ».
Face à l’ensemble de ces freins, faut-il supprimer la signature électronique ? Non, dans la mesure où la signature électronique apporte la preuve que les documents transmis par le candidat sont effectivement les siens. Il serait possible de signer les documents de manière sécurisée directement à partir de la plateforme (via une plateforme nationale comprenant son propre système d’horodatage et de certification des documents). L’entreprise pourrait obtenir sa signature auprès d’un guichet unique lors de la première connexion sur la plateforme.


[1] Conseil d’Etat, 7 novembre 2014, req. n°383587 :
www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000029724761&fastReqId=357972943&fastPos=1
[2] ibid. : la société « ne peut pas non plus utilement soutenir qu'elle n'aurait pas été informée de l'absence de signature électronique de l'acte d'engagement par un dispositif d'alerte spécifique, dès lors qu'en tout état de cause, ni les dispositions de l'article 56 du code des marchés publics ni les documents de la consultation ne prévoyaient la mise en place d'un tel dispositif ».
[3] Conseil d’Etat, 27 octobre 2011, req. n°350935 : www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000024736732&fastReqId=801330332&fastPos=1
[4] Ces certificats sont visés aux articles 46-I-2° du code des marchés publics et 18-I-2° du décret n°2005-1742 du 30 décembre 2005.
[5] L’une des premières jurisprudences en matière de dématérialisation des procédures avait sanctionné la signature d’un dossier sous format « .zip » (TA Toulouse, 9 mars 2011, req. n°1100792).
[6] Par exemple : un AAPC ; un contrat et son cahier des charges ; un cadre de réponse technique et financier.

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